" Un matin de l'an dernier, je causais avec le directeur d'une des plus grandes banques de P trograd. Un vaste bureau, de style anglais. Aux murs, pas d'ic ne, pas de veilleuse allum e. Lorsque le regard se portait vers les fen tres, on tait tonn de retrouver les bulbes d'azur et d'or qui couronnent les cath drales, de voir, sur la Perspective Nevski, la neige, les tra neaux, les bonnets de fourrure, et les cochers ouat s, pareils des dredons cercl s d'une ceinture voyante. La Russie tait au dehors. Dans cette maison, c' tait l'Am rique. Cependant je pressais le grave directeur des questions les plus indiscr tes, sans souci de l'importuner. Et parmi les sujets sur lesquels je cherchais conna tre l'opinion de l'homme d'affaires, il y en avait un, surtout, un sujet br lant, celui de cette r volution que tant de voix disaient in vitable et prochaine, que la plupart annon aient pour la fin de la guerre, mais qui, pour d'autres, tait imminente, - et c' taient ceux-l qui devaient avoir raison. Je ne pus r ussir d chiffrer si la r volution tait ou n' tait pas dans les voeux de ce financier prudent. Mais le mot, prononc haute voix dans son cabinet, quoique nous y fussions seuls, avait suffi le mettre mal l'aise. Il tapotait avec inqui tude ses favoris blancs, taill s l'ancienne mode, attentif esquiver les interrogations directes. Enfin, sur mon insistance, il se hasardait r pondre par ces paroles inoffensives: - Oh avant d'en venir la r volution, il y a tant de soupapes ouvrir ..."