" ... La science politique est aujourd'hui superflue dans notre bienheureux pays de France, semble-t-on nous dire depuis quinze ans. Qui ne sait en effet qu'apr s une enfance tardive et une adolescence orageuse, la nation fran aise est arriv e l' ge d'homme, et qu'elle marche enfin sans lisi res dans toute la libert et toute la maturit de son g nie ? Qui ne sait que l'histoire de France a trouv depuis quinze ans sa conclusion d finitive, et que la g n ration moderne a tranch sans effort toutes les questions surann es qui troublaient autrefois l'inqui te imagination de nos p res ? Notre temps a fait justice d'une scolastique nuageuse, bonne tout au plus fournir des sujets de d clamation vaine ceux que tourmente le sot d sir de se m ler des affaires publiques. Il a tellement simplifi les ressorts de la soci t fran aise, qu'elle n'a plus aujourd'hui qu' cheminer sur la voie qu'on lui trace sans m me essayer de regarder o on la m ne. Quel profit d'ailleurs aurions-nous ouvrir les yeux ? Notre condition n'est-elle pas enviable entre toutes ? De tant de probl mes qui ont autrefois agit la France, en est-il un seul que nous n'ayons pas r solu ou cart d daigneusement de notre route ? De quel int r t peut nous tre aujourd'hui la question th orique du droit de suffrage ? Nous n'avons plus, Dieu merci, aucune r forme lectorale d battre. C'est dans les bras de la d mocratie que nous avons trouv le repos et le silence dont nous tions affam s. Le grand art du gouvernement de la France, et ce qui le rend sup rieur tous les r gimes pass s, c'est qu'il a su donner au torrent de la d mocratie ce mouvement paisible et r gulier qui fait l'admiration et l'envie des monarchies infect es de lib ralisme, o la royaut n'est plus qu'un vain mot. La France a trouv le secret de concilier le nom s duisant de la d mocratie avec les r alit s bienfaisantes du pouvoir le plus fort et le plus personnel que nous ayons eu depuis cinquante ans..."