Nous voulons considérer les sculptures-machines de Jean Tinguely (1925-1991) comme des organismes pourvus d'une capacité de vie et de mort. Si l'art d'Occident a depuis longtemps su donner à des corps statiques l'illusion de la vitalité, Jean Tinguely, à l'instar des artistes reliés aux diverses tendances de l'art cinétique, anime ses œuvres d'un mouvement réel induit mécaniquement. La particularité de Tinguely consiste cependant à rapprocher l'effet-machine d'un dynamisme à connotations organiques. Le hasard et l'imprécision, voire la panne, guettent le fonctionnement de ces amalgames d'objets recyclés articulés à des rouages, leur conférant un caractère de fantaisie mais aussi d'incertitude qui peut tourner au désespoir : certaines sculptures de Tinguely se suicident littéralement en s'auto-détruisant devant le public. Ce livre se propose d'examiner la spécificité et la signification de la production de Jean Tinguely au sein des pratiques modernes de la sculpture. Il s'attachera tout particulièrement au spectacle que produisent ces machines ludiques. Celles-ci entretiennent un dialogue avec le public, en sollicitant tous ses sens et sa participation active.