" Il n'y a qu'une morale et il y a plusieurs religions. Tout le monde le dit du moins, et tout le monde a, ce semble, raison. Ce n'est pas que l'une et l'autre proposition aient pass sans observation et manqu de commentaires. Pour branler ou obscurcir l'une, on a invoqu la diversit des moeurs nationales, la vari t des lois criminelles, l'in galit des civilisations. On a facilement constat les exceptions que l'ignorance, le pr jug et la passion avaient apport es dans la pratique aux principes g n raux de la morale, de la justice et de l'humanit . On n'en a pu rien conclure de solide contre l'universalit de ces principes m mes. Viol s ou m connus, ils conservent leur vidence, source de leur autorit , et quoiqu'ils ne triomphent que tr s imparfaitement dans l'histoire des hommes, une voix unanime a proclam l'existence d'une loi naturelle. L'effort d' tablir la r alit d'une religion naturelle qui dominerait tous les cultes divers a t moins heureux, surtout plus contest . Ce n'est tout au plus qu'une v rit philosophique qui se fonde par le raisonnement, qui s'obtient par l'analyse, et que n'acceptent pas m me tous ceux qui se m lent de sp culer sur ces mati res. La multiplicit des religions tablies sur la terre n'est pas seulement une objection l'unit et l'universalit religieuse, elle y est un obstacle et comme un perp tuel d menti. Tandis que les honn tes gens de tout temps et de tout pays sont les plus empress s reconna tre qu'il n'y a qu'une morale, les hommes religieux sont toute poque et en toute contr e les moins dispos s subordonner les religions particuli res la religion naturelle, Ils sont, chacun dans son sens, les gardiens les plus jaloux, les plus obstin s de la diversit des cultes..."