Zineb n'etait pas tres belle, du moins les copines de Halti le murmuraient dans son dos. Moi je la trouvais jolie. Je l'appelais Zouina en secret. Il ne fallait surtout pas que Halti l'entende, elle se serait fachee. Elle voulait qu'on l'appelle Zineb parce que c'etait le nom que lui avaient donne ses parents a la naissance, alors on devait le respecter. Je ne comprenais pas pourquoi je ne pouvais pas dire Zouina mais je l'acceptais. Alors je l'appelais Zouineb. Halti ne l'a jamais remarque. Elle etait la poupee dont j'avais tant reve. Je lui parlais doucement en berbere, je lui racontais les histoires du Bled* quand je gardais les moutons de mon pere. Elle me faisait tout le temps des sourires, des gazouillis, bavait sur ma robe, mais ce n'etait pas grave, c'etait moi qui lavais mes affaires, avec celles de toute la famille. J'avais beaucoup de chance, ma tante avait achete une machine a laver, comme en France disait-elle, car je n'y arrivais plus. C'etait beaucoup moins fatiguant ainsi. Zineb est un bebe de quelques mois, une niece que Halti et son mari sans enfant, adoptent. Et Mina est une autre niece, d'un autre frere de Halti, venue de son bled pres d'Essaouira pour etre petite bonne, halti etant trop occupee par sa petite vie mondaine, dans le douar ou ils sont revenus prendre leur retraite, pour eduquer seule le bebe. Elle est comme la sultane qui recoit ses sujets en permanence, autour d'un verre de the et de petits gateaux, ayant relegue son mari, le Hajj, dans le garage transforme en petite epicerie. Le Hajj est un sage, un erudit du livre saint et on pourrait presque dire un futur Marabout . La vie est exuberante dans ce douar ou la plupart des petites filles et des petits garcons vont a l'ecole. Mina est heureuse dans cette maison ou elle trime du matin au soir. La jalousie et la betise humaine auront raison de ce fragile equilibre."