" Si l'Espagne aujourd'hui ne peut citer un romancier de premier ordre, si Fernan Caballero vieilli s'est retir', laissant au plus digne la place qu'il avait si longtemps occup'e et que nul apr's lui n'est venu remplir, il est cependant plusieurs 'crivains qui jouissent l-bas d'une r'elle r'putation et qui partout ailleurs feraient encore quelque figure. Tel est Pedro Antonio de Alarcon, le plus original de tous, sinon le plus chti'. Conteur facile et agr'able, o il excelle, c'est dans la nouvelle, le r'cit familier; en d'pit de ses n'gligences, il pla+t, il int'resse; il a ce charme singulier qui rend les d'fauts moins sensibles et les qualit's plus aimables. C'est un talent tr's personnel, primesautier, fantasque et s'rieux la fois, tout fait d'oppositions et de contrastes, curieux m'lange de chaleur et d'humour, d'esprit et d'enthousiasme. L'homme d'ailleurs ne diff're point de ses oeuvres: coeur g'n'reux, t'te ardente, le voil bien tout entier, et sa vie racont'e par lui ne serait peut-'tre ni le moins complexe, ni le moins curieux de ses romans. Il naquit en 1833 Guadix, petite ville oubli'e de la province de Grenade. C'est l qu'il fit ses premi'res 'tudes, dans ce beau pays de l'Andalousie tout plein de po'tiques souvenirs, avec ses tours d'sertes, ses mosqu'es muettes, ses palais maures tombant en ruines, ensevelis au milieu des fleurs. Durant une partie de son enfance, il avait 't' aveugle. A quatorze ans, il se rendit Grenade, s'y fit recevoir bachelier et commena ses 'tudes de droit..."