L'humanit a presque toujours consid r la loi morale et sa sanction comme ins parables: aux yeux de la plupart des moralistes, le vice appelle rationnellement sa suite la souffrance, la vertu constitue une sorte de droit au bonheur. Aussi l'id e de sanction a-t-elle paru jusqu'ici une des notions primitives et essentielles de toute morale. Selon les sto ciens et les kantiens, il est vrai, la sanction ne sert nullement fonder la loi; pour Kant cependant, elle en est le compl ment n cessaire: la pens e de tout tre raisonnable unit priori le malheur au vice, le bonheur la vertu par un jugement synth tique. Telle est aux yeux de Kant la force et la l gitimit de ce jugement que, si la soci t humaine se dissolvait de son plein gr , elle devrait d'abord, avant la dispersion de ses membres, ex cuter le dernier criminel enferm dans ses prisons: elle devrait liquider cette sorte de dette du ch timent qui retombe sur elle et retombera plus tard sur Dieu. M me certains moralistes d terministes, qui nient en somme le m rite et le d m rite, semblent pourtant voir un l gitime besoin intellectuel dans cette tendance de l'humanit consid rer tout acte comme suivi d'une sanction. Enfin des utilitaires, par exemple M. Sidgwick, semblent aussi admettre je ne sais quel lien mystique entre tel genre de conduite et tel tat heureux ou malheureux de la sensibilit ; M. Sidgwick croit m me pouvoir, au nom de l'utilitarisme, faire appel aux peines et aux r compenses de l'autre vie: la loi morale, sans une sanction d finitive, lui semblerait aboutir une fondamentale contradiction ...