"...A cette nature fi vreuse, le climat trop excitant d'une poque si voisine de la n tre est bien moins favorable que la tranquillit rassise des p riodes recul es. Ce qu'il ajoute l' motion, il le retire la libert de l'imagination. La passion est plus ma tresse et le g nie plus contraint. C'est une double cha ne. Il faut M. Michelet les lointains de l'histoire, les vagues l gendes, les documens rares et incomplets, les espaces mornes, les souvenirs teints: il y est plus ind pendant, plus vrai, plus lui-m me. Sa richesse fertilise le d sert. Sa puissance divinatrice s'exerce et se jou dans le clair-obscur. Un voyant a besoin des t n bres. L o presque tout est refaire, le don de cr er s'affirme, la facult de reconstruire triomphe. Les r surrections victorieuses sont celles qui ram nent les morts de plus loin. Plus la science au contraire devient abondante et pr cise, plus s'amoindrit le domaine personnel de M. Michelet. Possesseur magnifique d'un fonds original, l'opulence commune l'appauvrit. Comme les po tes, comme les croyans, comme tous ceux qui se sentent dou s l'int rieur et munis puissamment, il semble voir d'un oeil jaloux cet envahissement de l'exactitude facile, cette mer montante d'une rudition dont le niveau galitaire atteint et humilie tout. Un instinct l'avertit de la pr sence d'une force rivale et le met en garde. Il cherche conserver en plein r gne de la banalit savante la fleur intacte de son originalit ; dans les tr sors ouverts tous, il prend ce qui lui pla t, il se fait un lot part, une science qui ne peut tre qu' lui; il b tit son monument avec des mat riaux de son choix; il se m nage le luxe d'un palais, la fantaisie d'un Alhambra parmi les solides et g om triques constructions de l'histoire moderne. Voil dans quelles conditions et avec quelles habitudes d'esprit M. Michelet, s'avan ant d'un pas intr pide vers le couronnement de son oeuvre et le fa te du grand si cle, entame aujourd'hui l' poque de Louis XV..."