Le magnifique pont de marbre qui relie la rue de Rennes la rue du Louvre et qui, bord par les statues des savants et des philosophes c l bres, dessine une avenue monumentale condui-sant au nouveau portique de l'Institut, tait absolument noir de monde. Une foule houleuse roulait, plut t qu'elle ne marchait, le long des quais, d bordant de toutes les rues et se pressant vers le portique envahi depuis longtemps par un flot tumultueux. Jamais, autrefois, avant la constitution des tats-Unis d'Europe, l' poque barbare o la force primait le droit, o le militarisme gouvernait l'humanit et o l'infamie de la guerre broyait sans arr t l'immense b tise humaine, jamais, dans les grandes meutes r volutionnaires ou dans les jours de fi vre qui marquaient les d clarations de guerre, jamais les abords de la Chambre des repr sentants du peuple ni la place de la Concorde n'avaient pr sent pareil spectacle. Ce n' taient plus des groupes de fanatiques r unis autour d'un drapeau, marchant quelque conqu te du glaive, suivis de bandes de curieux et de d soeuvr s allant voir ce qui se passerait; c' tait la population tout enti re, inqui te, agit e, terrifi e, indistinctement compos e de toutes les classes de la soci t , suspendue la d cision d'un oracle, attendant fi vreusement le r sultat du calcul qu'un astronome c l bre devait faire conna tre ce lundi l , trois heu-res, la s ance de l'Acad mie des sciences. travers la trans-formation politique et sociale des hommes et des choses, l'Institut de France durait toujours, tenant encore en Europe la palme des sciences, des lettres et des arts. Le centre de la civilisation s' tait toutefois d plac , et le foyer du progr s brillait alors dans l'Am rique du Nord, sur les bords du lac Michigan. Nous sommes au vingt-cinqui me si cle. (Extrait du livre)