" Y a-t-il deux morales, - une morale politique et une morale priv e, - ou n'y a-t-il point de morale en politique, la politique tant une chose et la morale une autre chose? c'est une grande question, c'est une vieille question, et c'est une question toujours nouvelle. A la v rit , les religions et les philosophies n'y sauraient faire qu'une seule r ponse, et la morale n'existe pas pour elles en dehors de l'absolu. Mais ne semble-t-il pas qu'il en soit autrement de l'histoire ou de la politique, et qu'il y ait, en quelque sorte, des contingences d' tat ? Si l'homme priv n'a qu'une vie, l'homme d'Etat en a deux: sa vie int rieure d'homme priv , l'homme d' tat doit la subordonner une esp ce de vie ext rieure, qui est d'int r t et d'ordre plus g n ral; l'homme priv ne vit qu'en lui et pour lui: l'homme d' tat vit dans l' tat et pour l' tat; l'homme priv peut tout rapporter soi-m me; au contraire, ne rien rapporter soi, mais tout l' tat, et pour le bien de l'Etat user non des moyens que l'on pr f rerait, mais des plus productifs et des plus appropri s aux circonstances, n'est-ce pas, cela que se mesure la qualit de l'homme d' tat; et ne se cr e-t-il pas pour lui comme une hi rarchie des devoirs, dans laquelle le devoir public l'emporte sur le devoir priv ?..."