" ... Je crois rendre service aux hommes, crivait Voltaire, en publiant l'Essai de critique sur Machiavel. L'illustre auteur de cette r futation est une de ces grandes mes que le ciel forme rarement pour ramener le genre humain la vertu parleurs pr ceptes et par leurs exemples. Il mit par crit ces pens es, il y a quelques ann es, dans le seul dessein d' crire des v rit s que son coeur lui dictait. Il tait encore tr s jeune, il voulait se former la sagesse, la vertu; il comptait ne donner des le ons qu' soi-m me, mais ces le ons qu'il s'est donn es m ritent d' tre celles de tous les Rois et peuvent tre la source du bonheur des hommes. Il me fit l'honneur de m'envoyer son manuscrit, je crus qu'il tait de mon devoir de lui demander la permission de le publier. Le poison de Machiavel est trop public, il fallait que l'antidote le f t aussi. On s'arrachait l'envi les copies manuscrites, il en courait d j de tr s fautives, et l'ouvrage allait para tre d figur , si je n'avais eu le soin de fournir cette copie exacte, laquelle j'esp re que les Libraires qui j'en ai fait pr sent se conformeront. On sera sans doute tonn quand j'apprendrai aux lecteurs que celui qui crit en fran ais d'un style si noble, si nergique, et souvent si pur, est un jeune tranger, qui n' tait jamais venu en France... C'est une chose inou e, je l'avoue; mais c'est ainsi que celui dont je publie l'ouvrage a r ussi dans toutes les choses auxquelles il s'est appliqu . Qu'il soit Anglais, Espagnol ou Italien, il n'importe, ce n'est pas de sa patrie, mais de son livre qu'il s'agit ici. Je le crois mieux fait et mieux crit que celui de Machiavel, et c'est un bonheur pour le genre humain qu'enfin la vertu ait t mieux orn e que le vice. Ma tre de ce pr cieux d p t, j'ai laiss expr s quelques expressions qui ne sont pas fran aises, mais qui m ritent de l' tre, et j'ose dire que ce livre peut la fois perfectionner notre langue et nos moeurs..."